[FNC] Tokyo Tribe

[FNC] Tokyo Tribe

Japon; 2014; Réalisé par Sion Sono (Why don’t you Play in Hell?)
Mettant en vedette Ryohei Suzuki (HK: Forbidden Hero; Gatchaman)

Dans un certain futur, alors que des gangs de rue sont en contrôle des différents quartiers de Tokyo, un groupe en particulier va tenter de prendre de force le contrôle de tous les quartiers en une nuit.

Intérêt

Tokyo Tribe a une appréciation partagée des cinéphiles, 6.8/10 sur IMDb et 6.6 sur Douban.com, mais ce qui m’a le plus interpellé est la description sur le site du FNC :

« Guerres de gangs, luttes fratricides Yakusas, délires criminels et vengeances tokyoïtes, certes… Mais savez-vous, aussi, que Tokyo Tribe est musical, en rap du début à la fin ? Qu’il est une vraie fable, pleine d’innocence, sur l’amour et la cohésion ? Qu’il est un étonnant poème urbain en hommage à Tokyo ? Qu’il est aussi le film le plus hystérique, hilare, créatif et surtout cool d’au moins ces quinze dernières années ?« 

Par ailleurs, j’ai adoré Why don’t you Play in Hell, du même réalisateur et présenté l’année dernière au FNC, remportant le prix Temps Ø. (Il sera présenté au Cinéma du Parc dès le 31 octobre, à ne pas manquer!). C’était disjoncté, violent, truffé de personnages ultra cool, et, surtout, vraiment drôle! Est-ce que Tokyo Tribe réussira à être à la hauteur?

Verdict

Ce que Tokyo Tribe fait de bien, il le fait vraiment bien. Mais il ne fait pas tout bien, et ce que qui cloche avec Tokyo Tribe, résonne très fort également.

Commençons par ce qui fonctionne.

Tout d’abord, Sono nous présente Tokyo déchue, quartier par quartier, et aussi violent que ce monde semble être, il intrigue. Dans chaque quartier, un clan domine, et pour chacun des 7 ou 8 clans, Sono a su créer une ambiance différente, une culture différente, des personnages fort et stylisés qui captent l’attention, crèvent l’écan, comme des personnages de Tarantino ou Takashi Miike. Des chefs de clans aux personnages du décor (la mémé DJ!), chaque personnage est visuellement distinct et mémorable.

Un autre aspect de Tokyo Tribe qui m’a impressionné est l’aspect « musical ». Le film évite de sombrer dans l’auto-parodie, ce à quoi on aurait pu s’attendre avec un « rap musical« . Les rythmes et les mélodies lyriques sont diversifiés et intégrés à aux différentes cultures de quartier. Je ne peux commenter sur la prose car mon japonais ne connait que hai, iie et tosute (oui, non, toaster). Ça sonnait ben ben cool, en tout cas, j’en achèterais presque la trame sonore.

Ce qui ne va pas…

Le film démarre avec cette voiture de police qui s’arrête dans un quartier contrôlé par un de ces clans. Une jeune policière recrue, longues jambes dévoilées par des shorts ultra courtes et une chemise blanche laissant très bien comprendre le volume généreux de sa poitrine, surtout qu’elle marche sous la pluie. Elle se dirige seule vers un trafiquant de drogue, la rue est peuplée de malfrats qui la dévisagent et mettent au clair avec elle : « tu avances vers ta perte ». Elle n’en est toutefois aucunement intimidée et avance avec confiance vers le trafiquant. Ce que je me suis dis : elle va tellement leur sacrer une volée! Ça doit être une genre de Power Ranger!

Hé bien non. Le trafiquant de drogue la prend aisément en otage, elle est sans défense. Il lui arrache la chemise pour révéler sa poitrine nue à tous les malfrats qui approuvent, salivent et encouragent le trafiquant à aller plus loin, pendant qu’il lui tâte les seins sous la menace d’un couteau. Et… pire encore… l’expression faciale de la victime et ses gémissements semblent laisser paraître une certaine excitation, comme si elle prenait en fait plaisir à ces attouchements. Ses collègues restés dans la voiture rient devant le spectacle, informent la centrale qu’il n’y a rien à rapporter et quittent. Premier élément résonnant de ce qui ne va pas dans Tokyo Tribe: la culture du viol. Pour rendre les personnages plus vilains et virils, démontrer qu’ils sont capable de viol semble avoir été la stratégie adoptée. Pendant tout le film, on est dans un pattern de la femme qui est nécessairement une femme-objet sexuel, ou pire, femme en tant que sujet normalisé aux abus physiques de nature sexuelle.

Le deuxième élément qui cloche relève de la technique. Le film en entier tourne autour du même concept: tout le monde se tape sur la gueule. Tout le temps. C’est rempli de scènes d’action assez cool. Le personnage principal, Erika, et son jeune acolyte de dix ans ont des séquences de combat utilisant des chorégraphies d’action complexes et d’apparence excitantes. Le problème: SHAKY CAM!!! La caméra est si tremblante qu’on ne voit absolument rien de ce qui se passe, c’est horrible, parmi les pires shaky cam que j’ai vues.

Un autre élément que je ne peux pardonner est le faible fil conducteur du scénario. On prend un temps fou à nous présenter tous ces clans et leurs leaders visuellement éclatants, alors qu’on ne suivra que deux clans : les plus gentils et les plus méchants (sic). Tous ces autres personnages sont des accessoires visuels utilisés presque exclusivement dans l’introduction. Mon impression: Sono a tenté d’inclure tout ce qui est cool du manga sur lequel le film est basé, mais il ne sait pas quoi faire avec. On prend pour acquis que l’audience connait le manga et n’y ayant pas été exposé personnellement, je me suis senti complètement détaché des scènes visiblement voulues dramatiques car je ne connaissais pas les personnages impliqués et leurs relations entre eux, le film n’ayant pas pris la peine de me les présenter. Jusqu’à la fin, ce n’était toujours pas clair qui étaient les personnages principaux. Il semblerait que « Kai », leader des « gentils », en était un. C’est pourtant l’un des personnages les moins présents et moins mémorables du film…

Sur ce contexte de guerre de clans, on a l’impression qu’il manque quelque chose à la prémisse de base. Il y a une raison: la prémisse de base n’est dévoilée qu’à la fin, en tant que punch-twist humoristique. Sans la dévoiler, je dirais seulement que cette prémisse est hautement immature, puérile et invraisemblable et bien qu’elle a un potentiel amusant, elle n’a pas réussi à me réconcilier avec le scénario de tapage sur la gueule que je venais de subir, et elle ne justifiait en rien l’inclusion de la culture du viol et la shaky cam.

Verdict

À mon avis, Tokyo Tribe est un gaspillage. Sono a construit un univers que j’aurais aimé explorer davantage, et il a si bien réussi à intégrer le concept rap-musical qu’on oublie presque parfois qu’on assiste à un « musical ». Moins de sexisme et plus de technique dans le tournage, et j’aurais passé une excitante soirée. Ça me rappelle les oeuvres de Takashi Miike des dernières années : concept formidable et hallucinant, mais décevante mise-en-oeuvre. Du tapage sur la gueule, et pas tellement davantage. Je le recommande aux fan du manga, ils comprendront sans doute mieux que moi ce qui se passe sans être montré.

Ceci dit, je ne condamne pas le réalisateur Sion Sono : Why don’t you Play in Hell? était vraiment excellent et sa projection au Cinéma du Parc le 31 octobre est une opportunité à ne pas manquer.

Japon; 2014; Réalisé par Sion Sono (Why don’t you Play in Hell?) Mettant en vedette Ryohei Suzuki (HK: Forbidden Hero; Gatchaman) Dans un certain futur, alors que des gangs de rue sont en contrôle des différents quartiers de Tokyo, un groupe en particulier va tenter de prendre de force le contrôle de tous les quartiers en …

Aperçu Avis

Ambiance
Récit
Acteurs
Plaisir général

Sion Sono : Tu peux faire mieux

Résumé : Partie rap-musical réussie, mais le film se perd dans du tapage sur la gueule en shaky cam et une surabondance de femme-objet et de culture du viol.

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